Aux Mesnuls...
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Mercedes 190 E."
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Accessible étoile."
Certains modèles sont plus importants que d'autres dans l'histoire des constructeurs. Chez Mercedes il y a les icônes comme l'extraordinaire 540K, la fantastique 300SL "Papillon" où la colossale 600. Puis il y a celles plus discrètes, moins nobles mais qui seront des jalons fondamentaux de l''histoire, ces oubliées que pourtant tout le monde connaît.
Tout se passe bien à Stuttgart dans les années 70, la marque étoilée ne cesse de prospérer et continue à écouler une grande partie des ses voitures chez elle et surtout hors de ses frontières. Le succès est toujours aussi vif aux Etats-Unis et tout aurait pu continuer sans que rien ne fasse vaciller la prestigieuse marque Allemande. La crise pétrolière des années 70 ne remettra pas en cause la production qui s'adaptera légèrement à ce monde qui change. Pourtant le monde accélère, la demande en automobiles est toujours croissante et c'est par le bas qu'elle est la plus forte. Mercedes constate que les généralistes se partagent un gâteau immense et qu'il serait intéressant d'en croquer une petite part. Mais attention, danger, une marque élitiste ne peut pas proposer une auto aux accents roturiers. On va pourtant beaucoup y réfléchir et c'est peut être Audi et BMW qui vont provoquer un déclic car eux proposent des voitures plus accessibles qui se vendent très bien sans jamais vulgariser leur image. L'Audi 80 et la BMW croisent le fer avec des marques "décalées" comme Volvo où Saab et offrent une alternative haut de gamme bienvenue aux marques populaires. Et nombreux sont les clients à préférer un modèle plus petit, moins équipé mais qui porte une racine "noble", comme une particule. Certains privilégieront un deux pièces à Vincennes qu'un 5 pièces à Aubervilliers!
Ils ont du sérieusement y réfléchir avant de se lancer mais en 1983 c'est fait, la "petite" "190" est enfin dévoilée au public. Et ça marche, la preuve, je l'ai! Mon père à longuement réfléchi à sacrifier en confort, équipement et habitabilité tout en rajoutant de l'argent pour s'offrir à l'époque une 190. Il était prêt à renoncer aux vitres électrique, à la fermeture centralisée où bien à la direction assisté pour voir en permanence devant lui l'étoile au bout du capot et au centre du volant. Ah, il argumentait autrement "l'ancien", trop fier de lui et disait que Mercedes c'était du solide, de l'increvable, qu'à la fin il s'y retrouverait...il signera pour une BX! Mais bien d'autres franchiront le pas.
La 190 c'est un modèle de la taille d'une classique berline familiale, le créneau qui vends le plus en Europe. Elle mesure 4.42 mètres et c'est le styliste d'origine Italienne Bruno sacco qui va en signer la ligne. Le nouveau designer maison succède quelques années plus tard à Paul Bracq et va lui aussi marquer de son emprunte le style Mercedes. La "190", c'est une "Classe S" en réduction. Elle en reprends les codes mais en plus compact. On retrouve à l'avant l'incontournable calandre surmontée de son étoile et ses grands phares horizontaux rectangulaires supplées par des boîtiers de clignotants orange et striés débordants sur les ailes. Le pare-choc est en matériaux composites noir et le capot suit les galbes imposés par la calandre. Rien d'inédit mais une valeur sûre, c'est cette vue qu'il ne fallait pas louper.
En faisant le tour on découvre une berline assez ramassée qui conserve les taris traits épurés de la grande "Classe S "comme ses vitrages, sa ligne tricorps avec son panneau de custode incliné, son porte à faux avant très court, et ce pli dessiné sous les poignées de portes qui esquisse un trait parfaitement horizontal sur toute la caisse. En revanche les passages de roues sont anguleux et le couvercle de coffre est plus "comprimé". Détail amusant, le rétroviseur droit, en option au départ, était de taille et forme différente, plus court mais aussi plus haut, en gros il était rectangulaire à gauche et carré à droite! Certainement pour des raisons d'aérodynamisme où pour avoir une meilleure vision lors des manœuvres de stationnement.
A l'arrière les larges feux anti-salissures striés sont encore de la partie avec entre eux deux l'emplacement de la plaque d'immatriculation. La malle perpétue son éternel dessin avec son étoile au centre et le chiffre chromé marqué à l'arrière gauche. Le seuil est toujours haut mais à l'époque c'était la norme. On note en revanche un bouclier très différent, un petit ensemble de plastique sombre qui ne déborde pas sur les flancs, c'est vraiment vue sous cet angle que la "190" appose sa différence avec le reste de la gamme.
Le plastique à entièrement remplacé le chrome, il ne subsiste plus que sur la calandre et les monogramme, même les poignées de portes n'en n'ont plus. En tirant sur celle du conducteur on retrouve un univers très Mercedes avec désormais une ambiance plus sombre que jadis, adieu l'abondance d'harmonies multicolores et de teintes parfois improbables et délicieusement kitsch. Rassurez-vous, il restait encore quelques coloris exotiques mais bien moins que par le passé. La planche de bord est d'une grande sobriété et impose des traits anguleux mais très classiques. C'est net, parfaitement agencé et franchement ça à parfaitement su passer les années, dur de croire en le regardant aujourd'hui qu'il a été dessiné il y a plus de 35 ans! Un soupçon de bois était offert à la base du levier de vitesses te les garnitures de sièges en solide tissu n'étaient pas d'une immense gaieté. Sur la version à prix d'appel, l'équipement était indigent, aucune fonction de confort électrique et pas d'assistances, on comprenais mieux qu'une grande part de clients songeaient à opter pour une Opel moins chère, aussi fiable et surtout bien plus fournie en terme de dotation.
Les parties cachées en revanche ont fait l'objet d'une étonnante part de sophistication. On aurait pu craindre que Mercedes réutilise ses pièces d'époque avec une grande part de rusticité, ce n'est pas le cas. L'essieu arrière multibras en est une preuve et elle poursuit ses efforts en terme de sécurité passive pour devenir un des modèles les plus surs de son époque. Certes elle conserve sa transmission aux roues arrières et ses moteurs de base ne sont pas franchement excitants comme celui qui ouvre le catalogue, un bloc 2.0 litres à carburateur de 105 chevaux et à boite 4 vitesses. Pour 125.000 francs en 1983, vous aviez en France une BX haut de gamme tout équipée et bien motorisée...et il vous restait encore des sous pour offrir une belle mobylette neuve au fiston!
La "190 E" à injection affichait 122 chevaux et coté choix moteur essence...rien d'autre! Il restait un brave diesel, la "190D" dont le 4 cylindres de 72 chevaux n'était qu'une bonne bête à rouler pour chauffeurs de taxi où représentants de commerce. Le choix était encore plus limité pour les variantes de carrosseries...il n'y en avait tout simplement aucune! La gamme 190, c'est la version 4 portes à coffre et rien d'autre.
Il faudra attendre 1985 pour voir arriver la tonitruante 2.3 16 Soupapes, voilà enfin une "190" qui pimente la gamme et attire vers elle de nouveaux clients potentiels. La gamme va ensuite s'offrir un moteur essence plus performant en 1987, un 2.5 litres de 136 chevaux qui donnera enfin un peu d'âme à le "petite" Mercedes. Un diesel plus musclé est lui aussi proposé, un 2.5 litres à moteur 5 cylindres de 90 chevaux.
C'est en 1988 qu'un six cylindres en ligne scelle le prestige du modèle. Cet ensemble 2.6 litres de 166 chevaux est la version la plus désirable qui en plus s'offre un équipement haut de gamme avec même un freinage ABS de série. On s'en doute, son prix l'éloigne des modèles généralistes. C'est aussi une alternative pertinente à une Classe E plus grande mais plus plus pingre et sous équipée. Cette nouvelle version inaugure le restyling de la gamme qui en avait besoin. Ainsi les boucliers adoptent la teinte de la carrosserie mais conservent un épais bourrelet de protection gris foncé, le bas des flancs est recouvert d'une garniture plastifiée elle aussi dans la teinte de la caisse et se substitue aux minces baguettes latérales. Cet accessoire la rends visuellement plus large, plus "solide" et contribue à renforcer son aspect haut de gamme.
A partir des années 90 Mercedes succombe aux séries spéciales et limitées pour en écouler les stocks car en 1993 la nouvelle Classe C lui succède. Avec près de 1.9 millions d'exemplaires vendus, la "Baby Benz" sera le modèle le plus vendu par la marque de Stuttgart, un carton commercial inespéré! La version exposée date de 1988 et présentait un état rare pour ces petites Mercedes hélas négligées et rincées jusqu'à la dernière goutte d'huile.