A Retromobile...
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Talbot Tagora SX."
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Le Titanic de Poissy."
Avant de comprendre la naissance de la Tagora, il faut retourner en arrière, au milieu des années 70. Citroën est au bord de la faillite et c'est Peugeot qui va lui venir en aide, réunis, l'ensemble constitue le groupe PSA mais le lion doit couper dans les projets de l'ex marque de Javel pour qu'elle reste viable. Toutefois, l'opération reste transparente, Peugeot et Citroën vendent leur modèles dans des concessions différentes et à part les clones 104/LN, on voit quand même bien des différences entre les deux marques.
L'opération est réussie, la greffe à prise et PSA rachète en 1978 Chrysler Europe, qui compte entre autre la marque Simca. L'année suivante, le nom Talbot fait son retour et met fin à celui de Simca et Chrysler. Ça reste un peu l'embrouille, les badges changent et certains modèles arborent trois logos différentes comme l'Horizon qui adopte le badge Chrysler et porte le double nom de Simca/Talbot, c'est un peu trouble dans les esprits et cette période transitoire n'a pas été une franche réussite, les clients ne sachant pas vraiment chez quel constructeur recevra leur règlement!
C'est en 1980 qu'est présenté le haut de gamme de chez Talbot, mais déjà se pose un autre problème, si Peugeot et Citroën ne partagent pas les mêmes concessions, Talbot fait "show room" commun avec les modèles de Sochaux. C'est le même réseau de distribution, une concurrence interne ingérable qui plombera très rapidement la marque. Compliqué en effet pour Peugeot de vendre sous son même toit des modèles concurrents, cette politique était vouée à l'échec. Mais créer une nouvelle entité indépendante était bien trop onéreuse, faire ce choix aurait peut être même causé la perte de Peugeot et de Talbot.
La Tagora, c'est le vaisseau amiral de Talbot, des lignes géométriques tracées à l'équerre et à la règle qui offrent un style massif et imposant à cette voiture, qui paradoxalement lui donne un frêle aspect, une étrange sensation de fragilité visuelle. Je mettrais cela sur le compte de ses petites roues montées sur les modèles d'entrée de gamme. L'étroit train arrière n'arrange pas les choses tout comme les porte à faux trop longs et de fenêtres imposantes. Au final, le look laisse songeur, elle semble un peu grosse et fragile à la fois.
A bord, la lumière s'invite grâce aux larges baies vitrées mais le style épuré ne fait pas franchement haut de gamme, en revanche il accentue la sensation d'espace, notez le culot d'avoir infligé à la Tagora un volant monobranche copié à Citroën! Si la belle sellerie en velours flatte le client, mieux vaut qu'il ne regarde pas de trop près le reste des matériaux, ils sont indignes d'une berline haut de gamme. Le cuir était disponible en option comme sur ce modèle présenté.
Empruntant nombre d’éléments techniques à la Peugeot 604 et à la future 505, elle se montre toutefois moderne et offre des équipements rares à cette époque, un point sur lequel Talbot à toujours misé, il faut dire que le haut de gamme Peugeot a déjà 5 ans d'age et n'était pas un sommet de modernisme à sa sortie. Vitres électriques, même à l'arrière sur certaines versions, ordinateur de bord multifonction, climatisation en option où régulateur de vitesses et fermeture centralisée, la Tagora pouvait faire illusion et ridiculiser une Mercedes bien plus chère et autrement plus radine.
Trois moteurs furent proposés, deux essence, un quatre cylindres 2.2 litres d'origine Chrysler, le fameux (si l'on peut dire) V6 PRV de 2.6 litres et un turbo diesel de 2.3 litres. Ces blocs élémentaires en revanche n'offraient pas franchement du rêve, même le V6 PRV de 166 chevaux ne vous collait pas au siège, avait une sonorité bien quelconque et était plutôt porté sur le jerrycan...Reste que cette berline était la plus performante proposée en France avec 195 Km/h en pointe.
Alors que Peugeot avait du mal a écouler sa 604, le lion faisait peu d'effort pour promouvoir son encombrante rivale, la voiture, bien que pleine de qualité, est mise de côté par Peugeot, les ventes ne décollent pas et en 1983, Talbot abandonne sa fabrication, c'est un échec cuisant et seul 20.134 exemplaires seront vendus.
Pourtant la Tagora n'était pas une mauvaise auto, spacieuse, lumineuse, confortable et bien équipée, elle faisait le job et avait tout pour satisfaire les familles. Mais son prix haut perché, sa finition laxiste et ses moteurs peu excitants seront à rajouter à son image inexistante et l'oubli volontaire du modèle souvent caché en arrière plan des vitrines des garages Peugeot.
Toujours oubliée et souvent vue comme une auto à l'image guère flatteuse, la Tagora a été zappée de tous et a finie entre de mauvaises mains pour terminer sa vie à l'abandon au coin des rues avant de terminer au broyeur. Elles sont donc rares, n'intéressent pas grand monde et gardent cette image de loupé commercial, une voiture de "looser".
Mais voilà, Retromobile se permet le luxe d'en exposer une et c'est une sorte de réhabilitation bienvenue. La Tagora exposée ici proposait une teinte très rare, le noir. Et bien je vais vous étonner, c'est la couleur que j'aime le moins, pourtant je trouve que sur la Tagora, c'est la teinte qui lui va le mieux! Ce costume met en valeur les chromes, lui donne une belle stature accentuée par son habitacle clair somptueux et une présentation "sortie d'usine". Et c'est un peu vrai car ce modèle de 1983 qui n'avait que quelques centaines de kilomètres d'origine à son compteur!