A Retromobile...
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Velorex 16/350."
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La peau sur les os."
En Tchécoslovaquie, il n'y a pas eu que Skoda et Tatra comme constructeur automobile, Velorex sera aussi un fabricant mais qui cible une clientèle totalement opposée.
Les frères Stransky observent l'ascension du phénomène automobile au fond de leur atelier de réparation de deux roues. Nous sommes dans les années 30 et on commence à voir se généraliser ce moyen de transport. On adapte son réseau et elle prends plus en plus de place dans le paysage. C'est sûr, la voiture est l'avenir. Mais elle reste onéreuse, tout le monde ne peut pas s'offrir ce moyen de locomotion individuel qui pour beaucoup reste une chimère.
C'est pour cette raison que de petits constructeurs vont ouvrir la brèche du créneau des automobiles minimalistes et bon marché. Ces créations archi basiques remplissent le cahier des charges, des véhicules à moteur pouvant déplacer assises sur des sièges des personnes protégés par une carrosserie. A partir de là toutes les élucubrations sont permises. On y trouve pas toujours un toit, les portières ne sont pas systématiques, la taille est souvent minuscule et si elles ont plus que deux roues, elles n'en ont pas toujours quatre!
L'Anglais Morgan propose sa vision avec ses "Three Wheelers", ces véhicules à trois roues et équipées d'un moteur de moto posé tout à l'avant. Pas de portières, pas de toit, deux places...très rapprochées, le contrat est rempli et ça marche! C'est sans doute en voyant ces véhicules que nos deux frangins ont eu l'idée de se lancer juste après la seconde guerre mondiale dans le grand bain.
Nous sommes en 1945, l'Europe est ravagée et dans la partie est, Hitler à fait cracher ses blindés pour sa sanglante conquête orientale qui causera sa perte. Ici tout où presque est réduit en cendres. Mais chez les Stransky on se relève les manches tout en faisant preuve de pragmatisme. La demande en automobile sera inévitable et forte, a plupart ayant été détruites où étant en triste état. On cible l'export également mais les marques généralistes sont encore nombreuses, il faut être malin et cibler les foyers les plus modestes. Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls à s'y intéresser, la période prolixe des microcars commence. Ces petites voitures sont un premier pas dans l'univers de l'automobile à un moment où les modèles d'entrée de gamme sont encore en gestation chez les grands constructeurs. Tous s'y préparent, Fiat, Citroën, Austin, Volkswagen et j'en passe. Mais en attendant, les microcars sont une véritable solution. Pas chères, allégées en taxes, peu gourmandes et exigeant un entretien minimal, elles sont diablement économiques et semblent avoir tout pour séduire...du moins sur les brochures. Car dans la vraie vie ces voitures "de manège" obligent à bien des concessions. Incapables de faire de longs parcours, elles proposent des habitacles réduits souvent ouverts aux quatre vents et dont le confort ne vous donne qu'une envie, que ce tour de manège cesse vite!
Dans leur petite usine, les frères Stransky peaufinent un modèle qu'ils avaient fabriqués dès 1943, l'Oskar. Ils remplacent les éléments de carrosserie en aluminium...par de la toile! Voilà une solution simple et peu onéreuse! L'idée les séduit car il st inutile de presser des éléments de carrosserie et la mise en oeuvre est des plus simpliste. On cible les vétérans de guerre handicapés en priorité mais le destin en voudra autrement.
Mais tout ne se déroule pas comme prévu, la géopolitique bouleverse leurs plans, les communistes prennent le pouvoir et nos deux frères doivent patienter avant lancer leur production. C'est donc au sein d'une coopérative que les premières Velo voient le jour en 1950. Le modèle "54" sera la première. Les fondamentaux sont déjà là, un tricycle recouvert d'une toile en guise de carrosserie et équipée d'un moteur de moto Jawa logé derrière les sièges. Les débuts sont encourageants, les Velo, puis Velorex trouvent des clients. En revanche pour notre binôme, c'est moins gai, le premier frère, Frantisek, se tue au cours d'un essai en 1954. Le second, Mojmir, refuse d'adhérer au partit communiste, il est dégagé de sa propre société!
Notre modèle "16" sort en 1963, il deviendra la figure emblématique de Velorex et son modèle le plus vendu. Deux modèles sont proposés, la 16/175 au moteur 175 Cc de marque "CZ" et la 16/375 à la cylindrée idoine et équipée d'une mécanique Jawa. C'est pour Velorex l’alignement des planètes, la demande est forte en Europe et la Velorex "16" semble suffire à bien des foyers.
Elle n'a que sa peau sur les os cette créature unique dans l'histoire de l'automobile. La forme est bien celle d'un tricycle, des ailes avant recouvertes par des garde-boue, deux phares ronds nichés de part et d'autre du nez et cette toile en simili qui cache sa structure tubulaire que l'on devine en dessous. D'ailleurs à l'avant un indice, le bouchon de réservoir est en plein milieu. Un pare-brise est monté e dispose même d'un essuie-glace, c'est l'un des seul luxe de cette voiture. Ah si, elle dispose aussi de portières, là encore en simili tendu sur un cadre. Bon, il y a de poignées extérieurs, c'est pas mal, certaines Anglaises bien plus chères n'en proposaient même pas, ah ces "Britons", toujours près de leur sous! La grande capote fait le job et prouve que sous ces airs de bricolage d'amateur la Velorex "16" était quand même pas mal foutue. Des feux de moto sont disposés de chaque côté de cette sorte de queue que l'on pourrait appeler des ailes arrières, en fait de simples écrans de protection qui en plus habillent l'étrange bidule à roulettes.
Tout au bout, en pointe, la roue et sa plaque d'immatriculation fixée sur son support. Sur la droite, l'échappement sort tel le canon scié d'un gangster pénétrant dans une épicerie de quartier!
On s'attends à pas grand chose à l'intérieur...et c'est tout à fait ça! Le plancher est en bois, portez vos patins! Le même matériau est utilisé sur la planche de bord ou se trouve l'unique compteur derrière le volant, ouf, ils ont pensé à le garder! Le levier de vitesses est au plancher (dans tous les sens du terme) et le pédalier fixé au sol également.
Alors si on remonte la ligne d'échappement, on trouve sous la jupe de la Velorex un moteur monocylindre 350 Cc signé ici Jawa. Il sort...9 chevaux mais il ne faut pas oublier que le véhicule pèse 200 kilos! Bon, c'est vrai, le rapport poids puissance n'est pas époustouflant, ça nous ferait pour une tonne 45 chevaux, après tout à l'époque c'était dans les clous.
Peu gourmande et coûtant 25% du prix d'une "vraie" petite voiture,la curieuse Velorex "16" remplia son contrat et sera même commercialisée jusqu'en 1971! Et 12.000 exemplaires verront le jour, pas mal pour un tel objet roulant!
Sachez qu'une version plus moderne sera mise sur le marché en 1968, la 435-0 qui voulait rivaliser avec la Trabant. Utilisant les même ficelle, du moins la carrosserie en simili tendu mais avec un look plus géométrique, elle sera un cuisant échec. En 1973 Velorex cesse de produire des automobiles mais aura commercialisé sans doute l'une des plus étonnante de toutes.
Du coup, grâce à ce succès, on peut voir quelques Velorex encore circuler lors de manifestations automobiles. Cachée dans un coin dédié aux petites voitures, peu semblent l'avoir remarqué dans les allées de ce salon où il y a tant à voir. Pourtant c'est une curiosité à l'histoire riche et qui ne manque ni d'originalité ni de génie. On trouve ici un modèle de 1966 venu tout droit...des Etats-Unis! Elle a été vendue au cours d'une vente aux enchères à Indianapolis en 2018.