A Retromobile...
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Lancia Stratos HF "Zero"."
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Space invaders."
Les élucubrations stylistiques Américaines des années 50/60 maqueront une période symbolisant la conquête du ciel et de l'espace. A cette époque les Américains ont la main sur le design, on ne compte plus le show cars qui s'amusent à représenter un futur qui passera sans doute par la voiture volante de l'an 2000. On crée des effets de style inspiré de l'aviation à réaction, on y greffe des cockpits en verre, on fuselle les carrosseries, vers l'infini et au delà dirait Buzz l'éclair.
Sur le vieux continent on observe, on rêve et on salive devant ces modèles en couleur dans les magasines, en noir et blanc sur les premiers téléviseurs. Mais voilà, les modes, c'est fait pour se démoder, ainsi à la fin des années 60 la main passe et c'est en Italie que le design contemporain débarque et s'impose. Ce n'est pas nouveau, déjà dans les années 30/40 les carrossiers Transalpins étaient de véritables maîtres et produisaient sur demande de automobiles d'exception. Mais la généralisation de la ligne "ponton" et des caisses monocoque auront raison de la plupart des ces officines qui fermeront leur portes après guerre.
Leur revanche, ils l'auront, les studios de design Italien vont imposer un style qui va faire date, l'époque bénie du cunéiforme. Traits fins, angles vifs, lignes taillées à la serpette, pavillons bas, c'est pour beaucoup une école qui reste comme une référence. Tous les plus grands ateliers Italiens vont y succomber, Bertone, Ital Design et même le classique Pininfarina pour ne citer qu'eux.
On verra au cours des années 70 des modèles de sport qui en symboliseront la patte, Lamborghini Countach, Lotus esprit, de Tomaso Mangusta, Fiat X1/9, Dino 308 GT4, De Loran DMC12, Maserati Bora, il y en a tant d'autres!
Les deux maîtres incontestés resteront sans aucun doute Giorgetto Giugiaro, et Marcello Gandini. En marge de la série ils créeront des chefs d'oeuvre qui resteront à jamais gravés dans l'histoire comme la Maserati Boomerang de Giugiaro où l'Alfa Romeo Carabo de Gandini. Parmi ces merveilles inoubliables se trouve cette Lancia Stratos HF "Zero" dévoilée au salon de Turin 1970.
Gandini s'est centré sur la forme du triangle et du trapèze. Il veut un coupé aux lignes acérées dont le profil rappelle celui d'une aile delta d'avion à réaction. Il trace alors un engin ultra futuriste qui fait penser à un vaisseau de science fiction, la Stratos est pourtant à la fois mécanique mais aussi organique. Mais Gandini ne fait rien de gratuit, chaque trait est pensé, chaque pièce du dessin à une fonction.
Ultra basse, 84 centimètres, elle offre une attirance irrésistible. La pointe avant sera quasiment trait pour trait celle de la Lamborghini Countach. Mais ici pas de phares escamotables, une fine rangée est incorporée au bout de la caisse, faut vraiment la voir de près et on peut douter de son efficacité à une époque où l'on était loin des phares "Matrix" où encore des xénons. Oui, ici ce sont simplement 10 ampoules qui font le job. Mais qu'importe, ils sont présents car c'est avant tout une automobile qui doit pouvoir rouler en toutes circonstances.
Le pare-brise est incroyable, presque horizontal, on y trouve à son sommet un rétroviseur périscopique un peu fou, une idée que l'on tentera de finaliser sur les premières Countach mais qui n'aboutira jamais même si une petite vitre dans le pavillon sera conservée symboliquement, le fameux "périscopio". Le pare-brise se poursuit dans sa partie noire en dessous sous la forme d'un tapis en caoutchouc. Car en réalité, le cockpit de verre se bascule d'avant en arrière et pour accéder à bord, il faut monter sur ce tapis en bout de capot! Le blason Lancia doté d'une serrure sert à ouvrir ce dernier, c'est tout simplement la poignée de porte.
Le profil tendu est séparé par un angle de dièdre et on y trouve une partie creusée où a été positionné deux petits fenestrons. La découpe du passage de roue arrière suis l'angle de la caisse, c'est monumental. En partie creusés, cette portion en retrait permet de faire entrer l'air dans le compartiment moteur logé tout à l'arrière.
Mais peut-on parler de capot quand on admire cette pièce sculptural qui est l'une des signatures magistrale de la Stratos. Un triangle couleur gris aluminium constitué d'une succession de 5 "V" inclinés s'ouvre latéralement pour accéder à la mécanique, dieu que c'est beau! Et puis il y a les feux que l'on distingue à peine, ils sont insérés dans les contours de la poupe, autour de la grille noire d'évacuation d'air. Le bandeau rouge abrite lui 84 ampoules! La fonction "défilement" est déjà assurée, mais les Américains le proposaient déjà en série depuis des années, preuve que ce n'est pas une nouveauté aujourd'hui. Le cartouche "Stratos" stylisé est aussi travaillé que la voiture, chaque détail à fait l'objet de recherches esthétiques. Le deux imposantes sorties d'échappement nous rappellent que ce concept est roulant et qu'il s'agit bien d'une automobile, d'ailleurs les quatre petites roue ne sont pas de simples trains d’atterrissage. Ça aussi c'est étonnant, le dessin est si parfait qu'il a été inutile d'y loger des jantes énormes pour muscler "gratuitement" son look, c'est aussi ça le talent.
Revenons un peu sur terre car Gandini a travaillé sur la base d'une Fulvia HF 1600, ça il était impossible de le deviner! Du coup sur la version originale de 1970, on y retrouve le V4 Lancia 1.6 litres de 115 chevaux, comme certains décors de cinéma, du carton pâte remplace les moulures en marbre...
Monter à bord est unique, on grimpe donc sur le capot, on tourne la poignée dans le logo et on lève la pièce de verre. Ensuite il faut mettre ses pieds sur le sol, se retourner et s'allonger sur l'un des deux sièges de la voiture. Ah oui, il faut aussi être svelte, une fois la capsule refermée, mieux vaut aussi ne pas être claustrophobe! La sellerie en cuir en forme de carrés est elle aussi dans la mouvance du concept, elle me fait penser à celle qui équipait en option les première Citroën CX GTi. Le volant émerge de sa colonne de direction sortant du sol et de l'assise du pilote comme un manche d'avion. Ce volant à quatre fines branches offre un centre arrondit à moyeux fixe, une sorte d'ancêtre d'airbag mais déjà déployé! Notez qu'il bascule vers le haut pour simplifier le passage du pilote. A gauche du conducteur, enfin du cobaye, une centrale de contrôle rectangulaire imposante à fond vert où sont logés les instruments, voyants et compteurs. En réalité on pense pus à une sore de tableau électrique stylisé qu'à une navette spatiale. Seul la Vector W8 en reprendra plus où moins l'idée en série. Les trois traditionnelles pédales sont fixées au tablier tout au bout et le levier de vitesses est à sa place normale, entre les sièges.
On imagine que conduire une telle voiture doit être extrêmement complexe tant la visibilité sous tous les angles est nulle où presque, c'est bien là que l'on trouve les limites de l'exercice. Mais dieu, quel bel exercice!
Au delà de son statut de star, c'est une véritable icône, un objet qui doit être enseigné dans les écoles de design pour y être décrypté et admiré, pour moi c'est une voiture culte que je n'imaginais pas croiser au hasard d'une allée de ce salon, quel choc!!
Sachez qu'elle a été vendue aux enchères par "RM Sotheby's" en 2011, elle sortait tout juste de restauration. Elle y sera adjugée 761.600€ à l'exposition de la Villa d'Este sur le lac de Côme, en Italie et elle sera exposée au musée d'art moderne d'Indianapolis. A elle seule, elle valait à mon sens le déplacement, cette automobile hors du commun est à mon sens l'une des sculpture les plus iconique jamais dessinée de toute l'histoire de l'automobile.