A Retromobile...
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Bugatti EB 110."
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Interlude."
Début des années 90, c'est la folie des supercar. Mais ce que beaucoup ignorent, c'est que la bulle spéculative est sur le point d'exploser, pourtant le déferlante de nouveautés ne cessera pas pendant encore quelques années.
Du coup, pourquoi ne pas faire revivre une marque de prestige disparue depuis fort longtemps, c'est Bugatti qui sera choisi par tout un staff d'hommes reconnus et d'entreprises partenaires de renom afin de réaliser celle qui devra être la meilleure de toute. Desormais la marque est Italienne et devient "Bugatti Automobili SPA".
Chaque partenaire mettra la main à la poche pour faire développer une voiture de sport qui surpasse toutes les autres et ce ne sont pas n'importe qui, l’Aérospatiale, Elf, Michelin où encore la Snecma, tous y croient. Les hommes qui vont plancher sur sa réalisation seront nombreux et fabriqueront entre 1988 et 1991 8 prototypes pour aboutir à la présentation officielle de la EB 110 à Paris pour célébrer les 110 ans de la marque.
C'est Marcello Gandini qui en a dessiné ses lignes mais elles ne plairont pas à Romano Artioli qui lui demandera de les retoucher, Gandini refusera et c'est Giampaolo Bendini qui lui donnera son aspect définitif. J'ai toujours eu des réserves sur son dessin, je lui trouve toujours un manque de personnalité où d’exubérance. Le style est efficace mais pour moi un peu pataud, le visage trop anonyme aurait mérité de mieux mettre en scène la célèbre calandre en fer à cheval ici bien trop discrète à mon goût. Et puis ces grands phares anguleux, bof. Le reste est fait d'un mélange de courbes et de flancs plats percés de prises d'air.
Pas simple de juger un dessin, surtout quand il est audacieux. Car la EB 110 cache certains traits intéressants, le "cockpit" est en retrait, comme posée sur la partie basse de la voiture. Les portes formant un angle droit et une sorte de "passage" partant des ailes arrières et qui se terminent dans le "tunnel" des écopes d'air du capot avant, joli astuce stylistique non?
L'aileron arrière se soulève avec la vitesse de la voiture et les portes s'ouvrant en élytre des signes distinctifs qui en font une voiture hors norme. L'habitacle en revanche est très soigné et l'équipement y est complet, ça a aussi son importance quand on signe un chèque aussi conséquent. Cuir, boiseries et équipement digne d'une GT haut de gamme, c'est rare dans la catégorie.
En revanche techniquement ses géniteurs se sont lâches, châssis en aluminium et carbone à fond plat mis au point par l’Aérospatiale, pneus étudiés spécialement par Michelin sur des jantes en magnésium, quatre roues motrices et tout un panel de raffinements technologiques pour lesquels les ingénieurs se sont bien fait plaisir.
Sous le capot arrière vitré se niche un moteur V12 60 soupapes de 3499 Cc alimenté par quatre turbos IHI pour une puissance de 560 chevaux. Sur la route l'auto se montre d'une efficacité redoutable mais demande de la concentration car hormis l'ABS, aucune assistance n'est prévue. Les performances sont exceptionnelles, 3,2 secondes au 0 à 100, 20 pour le kilomètre départ arrêté et une vitesse de pointe de 350 Km/h, une catapulte de luxe qui surpasse la Ferrari F40 un peu plus ancienne il est vrai.
Pour ceux qui juge la voiture trop sage, une version SS (pour Super Sport) est mise en vente dès 1992, allégée, elle est aussi plus puissante avec 611 chevaux, c'est une véritable arme de guerre qui ne trouve son plaisir que sur circuit.
La voiture est fabriquée en Italie à Campogalliano mais son prix énorme, environ 3 millions de francs (comme encore la XJ 220) conjugué à sa plastique que tous n'apprécient pas, font que la mayonnaise ne prend pas malgré un battage médiatique intensif, elle s'affiche à la une de tous les journaux automobiles de l'époque dans sa célèbre livrée bleu de France. Je possède encore ce hors série de "L'auto journal" de l'poque où elle figure en couverture.
Les commandes sont rares et les conflits internes sévères, en 1995 Bugatti Automobili SPA fait faillite, l'usine ferme et on dénombrera 125 modèles fabriqués dont 84 de ces modèles GT.
Alors que tout le monde pensait la tombe de Bugatti définitivement scellée, Volkswagen va redonner miraculeusement vie à la marque quelques années plus tard avec beaucoup plus de succès et aussi des reins bien plus solides, belle résurrection et quel retour!
Ce très bel exemplaire exposé par un propriétaire privé arborait une teinte peu courante que ce beau gris fumé qui change du traditionnel bleu très rependu sur cette auto hautement désirable et rare.