A Retromobile...
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Pegaso Z-102 B 2.8 Coupé Saoutchik."
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L’ibère est délivrée."
Pegaso est une marque Iberique dont l'origine remonte à 1951. Si l'on connaît surtout sa branche poids lourds, c'est hélas oublier que la firme a construit aussi des voitures de sport d'exception très haut de gamme au cours les années 50.
C'est l'ingénieur Wilfredo Ricart qui va se charger du développement mécanique de la Z-102, passionné de mécanique, pilote d'avion, il quitte l'Espagne pendant la guerre civile pour s'installer en Italie, il y travaillera pour Alfa Romeo avant de revenir sur ses terres après la seconde guerre mondiale et être engagé par Pegaso dans cette belle mais courte aventure.
La Z-102 sera la première née, conçue sur les lieux mêmes de l'ex marque Ibérique "Hispano Suiza" qui est devenue "ENASA", pour Empresa, Nacional de Autocamiones SA, cette sportive d'exception adoptait un formidable V8 2.8 litres en aluminium de 165 chevaux dans un premier temps puis de 350 à la fin de sa carrière en 1957.
Présentée pour la première fois au salon de Paris en 1951, la Z-102 est un coupé sportif à l'Européenne capable d'affronter des rivales de renom sans aucun complexe. Son dessin chic, élégant et original fait un peu penser aux coupés Britanniques pour l'avant et aux modèles Italiens pour l'arrière, un fort bel attelage.
Toutefois, si les clients se montraient frileux, libre à eux de prendre uniquement le châssis et de faire habiller l'ensemble chez Touring, Saoutchick, où bien d'autres comme c'est ici le cas.
Le bloc V8 2.5 litres maison est à l'époque une merveille de modernité, tout en aluminium, il s'équipe de soupapes en sodium commandées par 4 arbres à cames en tête. L'ensemble délivre au départ entre 140 et 160 chevaux suivant que le carburateur soit simple où double. Un compresseur "Roots" est également envisageable et sort 200 chevaux où 250 s'il est couplé à un second, démoniaque!
En 1952, le bloc passe à 2.8 litres, l'offre débute désormais avec 200 chevaux de base et 260 en version compressée. On trouve également l'exclusive version "SS" 3.2 litres de 210 et 230 chevaux en version double carburateurs et qui affiche avec le démoniaque double compresseur 280 chevaux, le Graal. Avec 260 Km/h en vitesse de pointe, elle est en 1952 la voiture de série la plus rapide du monde, une consécration pour la petite marque, viva Espana!
Pour l'année 1953 le dessin est modifié, la calandre adopte une forme de grande croix chromée stylisée ainsi que d'étonnantes écopes sur le capot moteur. On les retrouve à l'arrière où sont malicieusement enchâssés les clignotants. Le bloc passe à 2816 CC et elle devient la Z-102 B.
Mais en 1955 l'ENASA se désengage de Pegaso, l'entreprise élitiste vend trop peu de modèles pour être rentable. Tout est remis à plat et en 1956 une nouvelle série dite "panoramique" Z-103 est conçue pour séduire le public Américain. Comme son nom l'indique elle reçoit un pare-brise panoramique qui lui donne une drôle d’allure. L'avant retouché est affublé d'un haut pare-choc qui traverse la calandre simplifiée, pas une franche réussite, mais de belles prises d'air sur le flanc des ailes lui donne un petit air de Ferrari, sympa. Le moteur est simplifié, c'est un V8 culbuté à simple arbre à came central disponible en 3 cylindrées, 4.0, 4.5 et 4.7 litres, les puissances s'échelonnant entre 270 et 360 chevaux, elle sera un terrible échec et obligera Pegaso à fermer sa branche automobile en 1958.
Comme je le stipulais plus haut, la Z-102 pouvait être une base à faire habiller par les plus grands maîtres de la carrosserie du moment, même si ces derniers ferment peu à peu à cause de la standardisation des modèles et leur fabrication monocoque complexifiant la tâche. Cette ièce extraordinaire et flamboyante est signée Saoutchik, un carrossier que je vénère car il a signé avant guerre des créations exceptionnelles, de véritables joyaux du patrimoine automobile Français.
Là encore il n'a pas fait les choses à moitié même si tout n'est pas parfait mais faisons un tour de cette auto vraiment pas comme les autres. La vue avant est une réussite et évoque même les Facel Vega dont la production commencera en 1954. Les optiques ronds sont insérés dans une étonnante ouverture ovale verticale peinte en grise et sous lesquels sont fixés des projecteurs additionnels rectangulaires. La calandre en forme de trapèze en retrait est malicieusement ouvragée comme un moucharabieh oriental, regardez bien. Au centre est installé une crosse verticale ouvragée et deux tubes font office de pare-chocs. Sur le capot, une discrète entrée d'air arrondie a été installée.
Vue de côté souffle du chaud et du froid, oui, pourquoi avoir logé les roues arrières si en avant? Quel dommage car cette maladresse déséquilibre terriblement le dessin de la voiture. Tout était réuni pourtant pour donner un coupé aux lignes sensuelles. La ligne de caisse "Bottle Coke", le superbe extracteur d'air sur les ailes signé de carrossier, la peinture deux tons qui souligne les courbes, la découpe étirée des ailes arrières sans omettre le délicat pavillon arrondit aux fins montants où les superbes jantes à fil à gros écrous centraux ainsi que les pneus à flancs rouge!
L'arrière profite d'une grande malle encadrée par des ailes en retrait dans lesquelles sont logées les feux. On y retrouve les tubes qui servent de pare-chocs et de jolies pièces d'accastillages chromées.
C'est avec autant de soin que l'intérieur de la voiture a été traité, un souci du détail invisible ici mais sachez que tous les intérieurs (même le compartiment moteur) sont recouverts d'aluminium bouchonné! La planche de bord en métal reprends les couleurs de la caisse, l'instrumentation est archi complète et une radio a été installée en série. Les touches de couleur ivoire sont somptueuses et rappellent les Mercedes de cette époque, on retrouve cette attention sur le pommeau de levier de vitesses à la forme ergonomique et à la grille entièrement inversée. Garnitures de portes, sièges, tout a été fignolé pour que le client oublie le montant astronomique de son onéreux caprice.
Cette auto sera la fierté du constructeur qui va l'exposer au salon de Paris 1954. C'est M.Lamy De Caen, un richissime noble Parisien qui craque et passe commande sur le stand. Il la fera participer à deux rallyes (!) avant qu'à la fin des années 50 la voiture parte aux Etats-Unis chez un acheteur de l'Alabama. En 1964, elle part dans le fabuleux musée de Reno dans le Nevada où elle y a sa place tant la collection Harrah's est exceptionnelle. En 1987, la voiture part pour Las Vegas, pas très loin où elle est exposée dans la collection de l'Imperial Palace. Entre temps la voiture a été restauré mais quand elle est rachetée par la collection Blackhawk de Danville, elle repasse une fois de plus par une remise à neuf complète. Ah les Américains, ils sont capable de travail exceptionnel, comme du pire! Revendue à un particulier en 2017 elle devient bicolore car elle était rouge unicolore juste avant. La voiture foule les pelouses de Peeble Beach.
On dénombre 5 Pegaso Z-102 B dont une...qui avait battu le record de vitesse sur l'autoroute Belge de Jabbeke et qui sera détrônée juste après par la Jaguar XK 120 exposée sur le même stand! Ah oui, Retromobile, c'est vraiment un salon incroyable où l'exception et la découverte se trouve sur le moindre stand!